Une vision décalée des résultats en France des élections européennes de mai 2019 et de l'avenir du Parti Socialiste...

Je partage avec vous ci-dessous ma vision, qui vous paraîtra sans doute un peu décalée, des résultats en France des élections européennes. Car bien que la gauche sociale-démocrate se prenne une déculottée en termes de voix, je considère pour ma part que ces résultats consacrent l’accomplissement de son œuvre historique. Une victoire idéologique et culturelle à défaut d’une victoire électorale. Explications ci-dessous…

 

Front National : un résultat en demi-teinte

Oui c’est vrai le FN / RN arrive premier avec 23,3%. Mais franchement, on aurait pu s’attendre à pire… En 2014, il avait fait 24,86%. De surcroît, en 2014, il était sur une ligne très dure (sortie de l’euro et de l’UE) qui effrayait grand nombre d’électeurs. En 2019, il s’est recentré sur une ligne beaucoup plus « soft ». Cela ne lui a pas permis de convaincre davantage d’électeurs.

Malgré tous ses efforts, le FN reste le parti le plus détesté de France. Et c’est tant mieux. L’ostracisme dont il fait légitimement l’objet perdure et il s’avère incapable d’élargir sa base et de nouer des alliances, conditions pourtant indispensables pour arriver aux responsabilités. Je crois, en tout cas j’espère, qu’il a atteint son plafond.

Le FN, c’est le parti de la paresse intellectuelle. On ne cherche pas à comprendre ou à analyser. On assène des anathèmes. Il reste un parti de protestation. Et il y aura toujours 20 à, 30% de décérébrés, de connards, de fachos ou de salauds pour voter pour eux. C’est ainsi.

 

LREM et MoDem : franchement un bon résultat

Certes, avec 22,4% des voix, LREM arrive en 2ème position et Emmanuel Macron perd son pari stupide. Bien fait ! Pour autant, 22,4% des voix après une campagne nullissime menée par une tête de liste nullissime, 2 ans d’exercice du pouvoir, l’affaire Benalla, 6 mois de gilets jaunes, les hausses de CSG et les cadeaux faits aux plus riches, c’est vraiment une belle performance et nombre de partis auraient aimé réaliser un tel score.

Ce qui est plus « remarquable », c’est le changement opéré dans la composition des électeurs de cette liste. Autant Emmanuel Macron a été élu Président essentiellement grâce aux voix des électeurs traditionnels de la gauche, notamment socialiste, autant là sa liste a essentiellement été soutenue par des électeurs provenant de la droite libérale et républicaine qui avait voté Fillon en 2017. Cela en dit long sur le positionnement politique de LREM…

 

Europe Ecologie : correct en voix mais surtout très prometteur pour l’avenir

Tous les commentateurs se gargarisent de la « percée écolo » et du « pari gagné » de Yannick Jadot. Franchement, en termes de voix, c’est un joli score (13,5% – plus de 3 millions de voix record battu) mais ce n’est pas non plus un triomphe. Rappelons que les élections européennes ont toujours été très favorables aux écolos et que, en 2009 avec Cohn-Bendit, ils avaient réalisé un score de 16,28%. Rappelons également que l’écologie a été LE grand sujet de ces élections et que l’on aurait pu s’attendre à ce que les écolos en bénéficient davantage. En Allemagne, ils ont fait plus de 20%.

C’est davantage sur ce qui fonde ce vote et sur sa composition sociologique que le résultat est bon. Les écolos ont clairement réussi à attirer les électeurs de gauche. Ils offrent à ces électeurs une perspective politique que la gauche démonétisée ne parvient plus à esquisser.

Mais plus encore, les écolos ont attiré les jeunes. Et les jeunes c’est l’avenir ! Alors que les partis politiques « traditionnels », notamment à gauche, peinent à formaliser leur positionnement, leur vision et leur promesse, les jeunes perçoivent immédiatement, intuitivement et résolument l’offre écologiste. Il y a clairement un alignement entre les attentes de la jeunesse et la vocation de EELV. Et cela n’est pas près de s’arrêter…

 

Les Républicains : l’effondrement gravitationnel

La droite républicaine vit en 2019 ce que le PS a vécu en 2017 : l’effondrement. En astronomie, on parlerait d’effondrement gravitationnel, quand un astre s’effondre sur lui-même sous l’effet de sa propre attraction gravitationnelle. L’effondrement gravitationnel est l’une des étapes de l’évolution des étoiles, à la fois au début et à la fin de leur vie…

Laurent Wauquiez paie ses outrances, ses calculs, sa violence, son manque de sincérité et surtout son manque d’écoute. A trop lire Le Figaro et Valeurs Actuelles, on perd le sens des réalités et le contact avec sa base. Les LR sont les vrais perdants de cette élection.

 

France Insoumise : la sanction

Avec 6,3%, LFI se prend une énorme claque. Les outrances de son leader, son populisme assumé, sa volonté de transcender le clivage droite / gauche, sa mise en cause des institutions démocratiques et son positionnement exclusivement contestataire au détriment des propositions qu’il avait pu formuler lors de la présidentielle sont payées cash.

Gageons que LFI et son leader Maximo feront à présent preuve d’un peu moins d’arrogance et d’hégémonisme…

 

PS / Place Publique : la remontada n’a pas eu lieu

Imaginez, il y a 5 ans, que l’on prédise un score de 6,2% pour le PS aux européennes. Inconcevable. Personne n’aurait pu l’envisager même dans ses pires cauchemars. Et pourtant, c’est bien le score réalisé par le PS allié à Place Publique ! Et en plus, nous adhérents et militants du PS en sommes presque satisfaits.  En tout cas, nous sommes soulagés car nous avons des élus. Mais franchement, quelle catastrophe…

Le sursaut n’aura donc pas eu lieu. La présence de Raphael Glucksmann a pourtant de mon point de vue été positive, rafraîchissante, revigorante mais en aucun cas suffisante. Le PS est devenu, électoralement, un parti marginal. Et politiquement, c’est un astre mort.

Pourtant, aussi incongru que cela puisse paraître, je considère que le PS, quelque part, a remporté une victoire. Une victoire historique. En effet, les valeurs, les idées et les positions que le parti à portées depuis plus de 50 ans ont été intégrées et assimilées par l’ensemble du spectre politique. Le compromis capital / travail, la quête d’égalité, la redistribution, la protection de l’environnement, la domestication du capitalisme sauvage, l’internationalisme, la construction européenne, la solidarité, le respect des droits humains… autant de valeurs qui font aujourd’hui parti de notre socle commun européen et que personne, mis à part les populistes, ne remet en cause. Oui, répétons-le, l’Union Européenne constitue un espace géographique, politique, économique et social unique au monde que l’ensemble des pays nous envie. Son modèle social est exemplaire et les inégalités y sont les moins criantes.

Quelque part, le PS a accompli son œuvre historique. Il s’éteint en raison du devoir accompli. Cette victoire culturelle et idéologique le mène à sa perte. Pourquoi continuer à voter pour un tel parti puisque « the job is done » ? Faute d’avoir renouvelé son corpus idéologique, le PS s’est vidé de sa substance. Comme pour LR, c’est l’effondrement gravitationnel.

J’expliquerai un peu plus bas pourquoi je pense néanmoins que le PS a de l’avenir ; Suspense…

 

Et les autres…

Ducon-Teigneux se prend une énorme claque lui aussi (3,5%). Victime de ses outrances et de ses fake news à répétition, il s’est éloigné (déjà lors de la présidentielle en soutenant Le Pen) de son positionnement initial qui avait du sens : un gaullisme souverainiste et social.

Benoit Hamon, le frondeur, est ramené à la réalité. A force de confondre élections et congrès interne au PS, il a perdu tout crédit. Il a quelques bonnes idées, visions ou intuitions mais les citoyens veulent du concret. Il a joué la division et il l’a payé. Une bonne leçon.

Avec 2,5% chacun, Jean-Christophe Lagarde (UDI) et Ian Brossat (PCF) réalisent un score très décevant. C’est vraiment dommage, voire injuste, car tous deux ont fait à mon sens une très belle campagne.

Les autres, je n’en parle pas…

 

Quelle structuration du paysage politique et quelle place pour le PS aujourd’hui ?

La recomposition du paysage politique entamée en 2017 se poursuit et va à mon sens durablement s’installer.

Il y a trois forces politiques dominantes et structurantes aujourd’hui.

D’un côté LREM / Macron, pôle libéral économiquement, cosmétique écologiquement et plutôt progressiste sur les questions sociétales. Il est le symptôme d’une forme de renoncement : le renoncement à l’égalité et au social comme élément structurant de l’engagement politique. C’est comme si les électeurs ne croyaient plus au social et au collectif. Ils ont intégré le fait que la société était individualiste et utilitariste. C’est le chacun pour soi.

De l’autre côté, le FN / RN qui cherche à cristalliser toutes les rancœurs et toutes les frustrations. Sans foi ni loi, sans crédibilité aucune, il ne sera jamais un parti de gouvernement.

Enfin, quelque part, on ne sait trop où, les écolos ; Ils posent de vraies questions mais je doute qu’ils pourront un jour assumer des responsabilités. Ultra politicards, calculateurs, sans militants, sans réseau d’élus locaux, avec souvent des approches extrêmement idéologiques et incantatoires, je n’ai pas beaucoup confiance en eux. Sauront-ils s’ouvrir, fédérer, se remettre en cause et accepter de se confronter à la réalité ? Je n’en suis pas sûr. Ils ont en tout cas une responsabilité historique, celle de fédérer la gauche.

Et le PS dans tout ça… A-t-il encore un avenir ? Et bien je pense que oui ! Il est inaudible pour le moment et incapable de formaliser une vision, un projet, une espérance. Mais pour moi, le PS, c’est le parti du réel, du compromis, du progrès véritable… C’est moins sexy, c’est plus exigeant intellectuellement, c’est plus difficile d’accès mais c’est quelque part beaucoup plus stimulant.

Sortir des postures idéologiques, se confronter à la réalité quotidienne des gens, à la complexité des sujets à traiter et des enjeux à résoudre, c’est sa nouvelle mission. Le PS, c’est le parti qui doit parvenir à concilier ce qui peut sembler inconciliable : l’internationalisme et les territoires, l’universalisme et les traditions, l’économie de marché et la solidarité, l’efficacité et la redistribution, les libertés et l’intérêt général, la générosité et la responsabilité, l’environnement et la croissance économique.

C’est terriblement difficile. Cela requiert de l’humilité, de la patiente, énormément de pédagogie ; est-ce possible à l’heure des breaking news, des réseaux sociaux, de l’info en continu, des fake news et de la pensée magique ? Peut-être pas mais cela vaut la peine d’essayer.

En tout cas, en ce qui me concerne, c’est ce qui me stimule, me motive et me nourrit. Je reste fidèle au poste. Keep pushing ! Et comme le disait Albert Camus dans le mythe de Sisyphe : La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un cœur d’homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux.

Hasta la victoria siempre !

Xavier Brunschvicg Conseiller municipal

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